L’art de bien faire
Afin de défendre le savoir-faire et les procédés traditionnels qui offrent toutes les garanties nécessaires à la qualité des eaux-de-vie, l’Armagnac devient, en 1936, une Appellation d’Origine Contrôlée (AOC).
Suite au décret de 1909 qui délimite la zone de production de l’Armagnac dans trois régions[1] (Bas Armagnac, Haut Armagnac, Armagnac-Ténarèze), les producteurs souhaitent fixer les règles et les méthodes d’élaboration de l’eau-de-vie gasconne pour protéger leur savoir-faire et lutter contre les Armagnacs dits de mélange (par distillation des marcs et des lies). Car ces eaux-de-vie de mauvaise qualité encombrent de plus en plus les marchés et nuisent à l’image de l’Armagnac.
Pour défendre les producteurs soucieux du travail bien fait, l’État crée en 1935 l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO), chargé de définir les modes de production qui garantissent la qualité et empêchent la fabrication de vins et d’eaux-de-vie ne respectant pas les méthodes, savoir-faire et cultures propres à leur terroir.
En 1936, l’Armagnac devient,avec le Cognac, l’Arbois et le Cassis,l’une des premières AOC. Désormais, il doit être élaboré en respectant un savoir-faire précis et dans des quantités préalablement déterminées. Le texte liste également les communes des départements du Gers, des Landes et du Lot-et-Garonne qui appartiennent à l’aire d’appellation et peuvent donc concevoir de l’eau-de-vie sous l’appellation Armagnac.
Les écrits évoluent, les principes perdurent
Pour avoir le privilège de porter le nom Armagnac, les eaux-de-vie doivent être élaborées à partir des cépages autorisés pour la production des vins blancs destinés à la distillation (Ugni blanc, Folle-blanche, Baco, Colombard). Les règles de l’AOC précisent également que seules les eaux-de-vie distillées dans un alambic agréé, peuvent porter le nom Armagnac.
Le productivisme accru et les soucis de rentabilité vont cependant faire évoluer les exploitations agricoles vers les cultures céréalières, au détriment de la viticulture. Les vérités de 1936 ne sont plus celles des années 2000. En 2005, le décret de 1936 est abrogé et réactualisé pour coller à la réalité du quotidien des producteurs d’Armagnac. Ce texte dévoile des consignes plus exigeantes concernant l’aire d’appellation, les cépages, la densité de plantation, les modes de taille de la vigne, la charge maximale des pieds, les quantités de vin, le type d’alambic, la nature des fûts de chêne pour l’élevage et le type de chai recommandé.
Il marque aussi la naissance de la Blanche Armagnac AOC, dernière-née d’Armagnac, où il n’était pas possible auparavant de produire un spiritueux n’ayant pas vieilli en fût de chêne destiné à la vente. On note une autre avancée majeure : le Baco (sans son complément « 22A »), cépage hybride controversé mais néanmoins inhérent à l’identité de l’Armagnac en plus d’être résolument écologique, est définitivement inscrit au cahier des charges, sans restriction.
A noter qu’en décembre 2014, pour s’adapter aux textes européens, une nouvelle révision du cahier des charges a vu le jour. L’Armagnac, autrefois constitué de cinq appellations (Armagnac, Bas Armagnac, Armagnac-Ténarèze, Haut Armagnac, Blanche Armagnac) les rassemble désormais dans une seule aire d’appellation. Aujourd’hui les terroirs (Bas Armagnac, Armagnac-Ténarèze et Haut Armagnac) sont considérés comme des indications géographiques, et la Blanche Armagnac comme une catégorie.
Malgré ces nouvelles normes plus contraignantes, il faut noter le mérite et l’engagement sans faille des producteurs gascons pour respecter à la lettre ces nouvelles exigences, gages d’une meilleure qualité. Les écrits évoluent mais les aspirations restent identiques : garantir la qualité des eaux-de-vie et préserver les savoir-faire des artisans producteurs d’Armagnac.
[1] Lien vers article L’eau à la source (Rubrique : 700 ans d’Histoire)
Tags :